Toute personne qui cherche à s’affirmer, d’autant plus dans un contexte professionnel, cherche à rentrer en communication avec l’autre, à être entendue et écoutée. L’implication mise dans une « prise de parole » demande une énergie différente en fonction des objectifs fixés : se faire obéir, convaincre, affirmer un point de vue, défendre une opinion, informer, former…
Cela se traduit par diverses caractéristiques d’émissions vocales : débit, volume, tonalité, gestes, articulation… Un bon dosage de ces paramètres permet une justesse du ton et un placement de la voix pertinent et adéquat.
C’est le plus souvent dans la « voix professionnelle » que nous essayons de tendre vers cette harmonie et cet équilibre voix, rythme, gestuel, corps.
La lecture à voix haute de textes à fort contenu est un outil puissant pour préparer cet exercice parfois périlleux de parler en s’impliquant « corps et âme ». Je veux parler de textes qui convoquent en nous une émotion, un sentiment, une connexion à quelque chose qui peut nous transcender, « de plus grand que nous »…
Par le truchement du texte en effet, nous pouvons dire des choses ou exprimer des sensations que nous n’oserions pas livrer en temps normal puisque nous lisons au travers d’un filtre qui nous protège, nous nous exprimons grâce à des mots qui ne sont pas les nôtres, nous « parlons » un auteur qui n’est pas nous même. La pudeur est donc préservée, l’intimité sauvegardée.
Ce compagnonnage avec le texte nous autorise à contacter des émotions que nous n’avons pas l’habitude d’exprimer. Nous révélons d’autres aspects de notre personnalité et nous entendons des mots, phrases, intonations… auxquels nous étions jusque-là étrangers. Nous trouvons des ressources qui nous amènent à une plus grande connaissance de nous-même et à une plus grande écoute. En passant le texte dans notre voix, nous cherchons le bon registre émotionnel. Nous sommes capables de dire en découvrant cette autre voix qui pourtant est la nôtre.
En cela, le texte est un vecteur puissant d’affirmation de soi. Car s’affirmer, passe d’abord et avant tout par une expression plus audacieuse de soi et une écoute plus affinée des autres. Cela passe également par une plus grande présence et une conscience plus prégnante de ce que nous faisons, disons, mettons en mouvement. Le « pilote automatique » qui contrôle notre mental fait place à une auto-observation plus constructive et impliquante.
S’entendre parler autrement dans une affirmation de soi plus juste et plus respectueuse de ses émotions conduit à une « mise en conscience » de ses potentiels. L’envie de faire « comme les autres » ou de rentrer dans un rôle qui ne nous convient pas tend à disparaître.
Comment alors transposer le travail fait grâce au texte dans un contexte professionnel ?
En travaillant l’écoute, la cohérence et l’ajustement de ses émotions face au texte à dire, quel qu’il soit, nous sommes plus en phase avec nous-même donc plus enclins à exprimer qui nous sommes et comment nous avons envie de le dire. Ce que j’appelle « la voix cohérente » devient pleinement assumée et juste par rapport aux propos que nous défendons.
Le manager ou leader d’équipe saura susciter la cohésion d’équipe en devenant « meilleur communicant ». Il saura sans doute mieux identifier les complémentarités humaines de ses collaborateurs en valorisant le dialogue et les échanges. L’enseignant qui transmet un savoir forcera moins sur sa voix car il parlera avec une « intention plus incarnée » et pourra laisser transparaître avec plus de conviction sa passion pour sa matière. Le politique rendra plus impliquantes ses interventions car il accordera une importance différente au poids des mots et à leur impact. Le salarié sera plus confiant dans sa prise de parole car investie autrement dans son corps et sa perception des autres. L’artiste sera plus en lien avec le sens du texte qu’il chante, déclame, dit, car intimement connecté à ses sensations. L’étudiant sera moins stressé devant une échéance d’oral ou d’examen car plus en lien avec le contenu de ce qu’il devra proposer au jury. Le demandeur d’emploi sera plus centré lors d’un entretien car il se mettra plus facilement dans une relation d’adulte à adulte qui lui donnera plus de confiance. Le porteur de projet sera plus en phase avec ce qu’il veut défendre car plus convaincant.
Les ressources trouvées grâce au travail du texte et à la lecture à voix haute sont riches et le champ des possibles immense. C’est en tous les cas ce en quoi je crois profondément, avec toute l’humilité et l’engagement que cela demande.
Je terminerai avec ces mots, et en toute neutralité : l’étymologie de « bénédiction » vient du latin benedicere, qui signifie « Bien Dire ». Je trouve poétique et émouvant de penser que « bien dire » puisse résonner comme une bénédiction.